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Conservation : le suivi écologique au sein du Parc Marin ne concerne pas seulement les tortues marines !

Acteurs principaux de la préservation des écosystèmes au sein du Parc Marin Manyangue na Elombo Campo, les bénévoles de l’association Tube Awu souhaitent que le Cameroun tire profit de l’exploitation de la ZEE (Zone d’Economie Exclusive) qui s’étend jusqu’à 200 milles nautiques . En effet, la faible disponibilité des données biologiques, rend difficile la planification d’une gestion adaptée, ce qui aggrave la vulnérabilité des espèces marines tant animales que végétales, en cours d’identification dans cet espace.

Dans la zone abritant le Parc National Marin mentionné en introduction, Joel Wamba, responsable du programme  » Mégafaune  » à Tube Awu, exprime son désarroi : « le Cameroun ne bénéficie pas pleinement de sa ZEE, car l’ile transfrontalière la plus proche , occupant une grande partie de cette zone, appartient à la Guinée Equatoriale, c’est un manque à gagner en termes de biodiversité « . Un petit tour dans les marchés locaux conforte cette idée, en ce qu’une plus grande variété de poissons tant à provenir des bateaux de pêche opérant sur le territoire occupé par la Guinée Equatoriale (ndlr). L’activité du programme mégafaune consiste à:  » suivre les baleines à bosses, les dauphins communs, les raies, les requins, les tortues marines, et autres poissons de grande taille ».

D’ailleurs très peu de personnes sont au courant que ces espèces aquatiques de grande envergure, sont présentes sur les eaux du territoire camerounais, et pourraient constituer un argument de poids, pour mener des études qui aideraient à mieux les identifier, et promouvoir des activités de safari en mer, pour le tourisme durable dans les localités environnantes. Lors des activités de plongées sous-marines que l’équipe de Tube Awu a mené, l’on a pu détecter de grands animaux , y compris les mammifères marins, les reptiles, les cétacées (les requins, les raies, baleines, ) et plusieurs autres espèces marines qui jouent un rôle important dans l’écosystème aquatique. A titre de rappel, le Parc National Marin Manyange na Elombo-Campo, situé dans la région du Sud du Cameroun, a été créé officiellement le 9 juillet 2021 par le décret 2021/4804/PM. Il s’agit de la première Aire Marine Protégée du Cameroun, couvrant une superficie d’environ 110 300 hectares.

Joël WAMBA.

Et faute de règlementation par l’établissement d’un Plan d’Aménagement, la pêche INN (Illégale , Non règlementée et Non déclarée) qui y est observée, a contribué à la diminution des quantités de poisson. De plus, la dégradation des récifs coraliens et des herbiers a accentué la dégradation de l’écosystème marin de la zone. En effet, Joël Wamba déplore le fait que la pêche INN utilise un matériel non sélectif, ce qui ne contribue pas à l’exploitation durable des stocks. De plus, l’installation des plateformes pétrolières off-shore, au sein du domaine portuaire, et les autres projets structurant de l’Etat dans la zone, accentuent la dégradation des habitats naturels de diverses espèces, et la pression anthropique sur les ressources marines

Le poisson se fait rare !

La répartition du territoire guinéen ne permet pas une ZEE de 200 miles nautiques, conforment a la convention du Droit de la Mer. Par ailleurs, la destruction des habitats suite à des pratiques de pêche non réglementées, comme l’usage de filets dérivants ou de chalutages, détruisent les fonds marins, les récifs coraliens. Ce phénomène affecte directement les espèces benthiques (vivant au fond de l’eau) et les zones de reproduction et de croissances, essentielles à la régénération des populations marines; la chaîne alimentaire oblige. Bien que les espèces ciblées par la pèche artisanale maritime dans le Parc Marin varient en fonction des saisons, ( carpes, capitaines, bars, sardinelles, brochets…), on en vient malheureusement au constat que même en saison de haute pêche , le poisson se fait rare !

M. DIDA, pêcheur installé depuis 10 ans à Ebodje, l’originaire de l’Extrême-Nord du Cameroun, nous présente les fruits de sa pêche, de la nuit du 15 juillet au matin du 16 juillet 2025.

Tout porte à croire que certaines espèces emblématiques comme les tortues marines, les lamantins ou les dauphins sont menacées par les engins de pêche illégaux qui provoquent des captures accidentelles . Ces espèces, souvent migratrices, modifient leurs routes ou évitent les zones polluées, ce qui compromet leur observation et donc leur conservation. Par ailleurs, les navires de pêche illégale rejettent des déchets, des hydrocarbures et génèrent du bruit, ce qui altère la qualité de l’eau et stresse les espèces sensibles. Les mammifères marins, très sensibles aux changements environnementaux, peuvent quitter les zones de forte activité illégale pour se réfugier ailleurs, loin des côtes accessibles par les petits engins de pêche des communautés locales, dont c’est la principale source d’alimentation et de revenus, depuis des générations.

Rejets d’hydrocarbures collectés par l’équipe de Tube Awu, dans les fonds marins du Parc Maritime.

L’absence de Plan d’Aménagement du Parc Marin est un facteur d’affaiblissement des efforts de conservation

Le Parc Marin de Campo a été créé pour protéger la biodiversité et promouvoir une pêche artisanale durable. Mais sans contrôle efficace, la pêche INN sabote ces objectifs. Une situation qui est devenue le combat, depuis une décennie de Xavier Ndjamo, Coordonnateur de Tube Awu. L’ingénieur formé à l’Institut des Sciences Halieutiques de Yabassi, filière : » pêche et écosystèmes aquatiques « , est venu effectuer un stage au sein de la maison Ndiva à Ebodje, pour finalement s’y installer définitivement, afin dit-il :  » de vivre en symbiose avec les réalités auxquelles faisaient face les communautés locales, pour leur apporter une solution adaptée à leur quotidien, sans ruiner leur chaîne de connaissance des pratiques ancestrales, dans la cohabitation au sein du Parc Marin « .

Xavier NDJAMO.

Une posture, qui lui confère une sorte de légitimité dans la réclamation d’un plan de gestion inclusif, il réaffirme :  » le parc marin a été créé, c’est bien beau, mais aucun outil de gestion n’a encore été mis à la disposition par le MINFOF (Ministère de Forêts et de la Faune). Sans Plan d’Aménagement, l’existence du parc est inefficace, pourtant il doit pouvoir fonctionner « . Ceci est d’autant plus urgent que le faire accepter auprès des communautés n’a pas été facile.

Il se rappelle comment les réunions de consultation des riverains se sont tenues avec beaucoup de clivages : « les communautés ont été très sceptiques à l’idée de se voir limiter l’usage de certains matériaux de pêche artisanale, afin de contribuer à la préservation de certaines espèces, au sein de l’écosystème marin « . Néanmoins un comité de vigilance multi-acteurs, qui intègre les chefs traditionnels, les autorités administratives (particulièrement le Sous-Préfet de Campo qui en est le superviseur, et le Conservateur du Parc Marin), sans oublier les OSC locales, veille au respect des mesures de conservation des espèces vivants au sein de l’écosystème du Parc Marin.

Grand absent de ce comité de vigilance, c’est le secteur privé, en effet des sollicitations de collaboration avec des entreprises de la localité sont demeurées stériles, en l’occurrence : Sinosteel, Camvert, ou encore le Port Autonome de Kribi (PAK). Pourtant, une collaboration entre le PAK et l’association Tube Awu pourrait être extrêmement bénéfique pour renforcer la durabilité environnementale dans la région de Kribi-Campo. Car nul n’est sans ignorer que les deux entités partagent des intérêts convergents, pour nous en convaincre, M. Sambombpangu Mana Juilian, le Chef du service Développement Durable et Relations avec les communautés au PAK affirme:  » le PAK cherche à intégrer les Objectifs de Développement Durable (ODD) dans ses activités portuaires ». Tout comme Tube Awu œuvre pour la conservation de la biodiversité marine et côtière, tout en soutenant les communautés locales.

 

Ange ATALA

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